Marie-Laure MorinNews : son travail


Nos modèles ne sont pas miroirs, on idéalise au devenir sans pouvoir atteindre les canons de forme qu'on nous jette au visage tel un remède à tous les maux. La crise identitaire vole en éclats par la seule magie d'un bâton de rouge à lèvre édulcoré, posé sur la plus belle bouche qui soit, mais qui ne sera jamais la notre. On se rassure dans l'illusion d'un artefact qui nous rendra semblable à ces dieux sans substance... Nous nous fondrons alors dans les bras bienveillants d'une société où l'apparence est un langage, le corps est langue universelle. Le dictat de l'enveloppe, qu'importe le contenu si le flacon est beau. Mise en scène naïve où chacun se travestit pour s'accepter par le regard critique de l'autre, qui n'en est pas moins aliéné par le même processus. Le serpent se mord la queue et ne sait pas pourquoi... Enfermé dans une boîte d'idées reçues et matraquées, où se situe ici mon identité si tout ce qui est "moi" doit se dissimuler et se farder ?

Le corps est devenu un "objet" culturel façonnable selon les aspirations narcissiques de chacun. Ains,i il devient un support modelable de l'identité :

« A l'âge de la chirurgie esthétique et des manipulations génétiques, le corps est devenu obsolète, il s'agit maintenant de le réinventer, de sculpter un nouveau corps, une nouvelle identité. » Lydie Pearl, Entre cloaque et clinique in Sophie Guin dir., Une œuvre de Orlan, Muntaner, Marseille, 1999, p.11.

Transformer le corps devient alors un acte social. Les canons de beauté deviennent des idéaux fantasmés de tous. Cependant ce que la culture considère comme naturel relève également de conventions implicites :

« Il n'y a rien de plus culturel qu'un canon de beauté et le pouvoir de séduction auquel il est lié ; le jugement que nous portons sur les corps métamorphosés n'est que le reflet de notre propre conditionnement à ce critère. » Stéphanie Heuze, Changer le corps ? , La Musardine, Paris, 2000, p.8.